Duos
Lettre à Richard Galliano
Pièce pour accordéon et piano
Création au festival Le piano fait son cinéma en août 2011 en France par Denis Bosse et Pierre Thomas
8 minutes
Lettre à Richard Galliano fait partie de mon cycle Lettre à lettre. C'est un cycle d’œuvres en cours de réalisation progressive constitué de lettres musicales spécialement adressées à mes amis ou à des personnes pour lesquelles j’éprouve des sentiments forts pouvant avoir du sens musicalement. Composer des lettres musicales est une manière d’aborder la question du parcours de l’œuvre d’art. Par l’écoute, l’auditeur détourne la lettre musicale de son cheminement direct vers le dédicataire, cependant, par cette même écoute, l’auditeur permet également à la lettre d’exister, puisque écoutée, et donc de parvenir à destination. Ce paradoxe me semble être au cœur de toute production musicale.
En m'adressant à Richard Galliano, je voulais exprimer non seulement mon admiration pour ce grand musicien mais aussi mon attachement pour l'accordéon ses sonorités et son répertoire. La pièce est articulée en trois parties: la première dans l'aigu résonne par des timbres ambigus entre les deux instruments, la deuxième laisse entendre l'accordéon dans un solo incantatoire, la troisième se souvient de bribes de rythmes de tango. La pièce est une commande du CRR de Cergy-Pontoise.
Alarme
Pièce pour violon et piano
Commande et création du festival Transit pour le trio Fibonacci en 2006 à Louvain
9 minutes
Ce travail s’oriente ici dans la ligne de l’œuvre précédente, le concerto pour alto et ensemble orchestral Obstinatissimo. Il s’agissait d’amorcer une approche très personnelle du timbre. En effet, les recherches spectrales actuelles me laissent très insatisfait car, en instaurant le timbre comme « métaphore de la composition », elles laissent de côté le rapport subjectif au timbre. Le son d’une cloche n’est le même pour personne même s’il est possible d’en faire une description objective. Mes recherches actuelles sont l’exploration de territoires sonores intérieurs mis en relation avec les sons du monde. Qu’est pour moi le son d’une cloche lorsque je l’entends résonner au loin ? Cette démarche, qui prend sa source chez Debussy, tend ainsi à réhabiliter un certain artisanat « sans machine ». Pas besoin en effet pour cette recherche ni d’ordinateur ni d’algorithme, il s’agit de laisser venir les sons, de les entendre, de les accepter et de les écrire. Et combien d’alarmes résonnent dans la vie quotidienne ! Cette musique se veut donc aussi une sorte de « recyclage sonore » de tous ces sons polluants, une écologie du son ! Ce travail rejoint aussi mes préoccupations sur l’écoute. Depuis quelques temps déjà je rêve d’inciter à l’écoute dans ma musique. C'est-à-dire l’utopie de trouver des sons, des structures, des silences et des formes qui amènent l’auditeur à se questionner sur sa propre écoute. A nouveau dans cette pièce j’aimerais conduire l’auditeur aux confins de l’inaudible qui est premier pour moi dans toute musique. Enfin, composer ce duo fut l’occasion de continuer mon travail au niveau de la virtuosité instrumentale. Parvenir à écrire le complexe et l’inouï dans un traitement instrumental parfois difficile mais jamais malhabile ou compliqué. Cette problématique me semble très importante pour la diffusion des œuvres actuelles.
Lettre à Michèle Dulieu
Pièce pour flûte et violoncelle
Création en 2006 à l’espace Senghor (Bruxelles)
Commande de l’ensemble Nahandove à partir du sonnet 43 de Shakespeare
6 minutes
Lettre à Michèle Dulieu, écrite sur le sonnet 43 de Shakespeare, renoue avec les traditions de nombreuses musiques ethniques dans lesquelles l’instrumentiste est son propre chanteur. Alors qu’historiquement elle n’est apparue que très tardivement en occident, cette technique se retrouve dans de nombreuse cultures musicale de plusieurs régions du monde et existe aussi bien pour les instruments à cordes que pour les instruments à vent. La problématique principale de ces musiques a donc été : comment parvenir à chanter tout en jouant simultanément d’un instrument. Généralement la voix est prédominante et l’instrument est à son service, c'est-à-dire que le chanteur est son propre instrumentiste. Mais l’instrument à toujours cherché à détrôner la voix en l’imitant et cela même lorsque instrumentiste et chanteur sont séparés. On retrouvera une part de cette rivalité dans cette lettre, mais instrument et voix sont traités à égalité, l’un ne prenant jamais le pas sur l’autre. Cela correspond également à ma compréhension du sonnet de Shakespeare qui pour moi résonne particulièrement en regard de la psychanalyse en tant qu’il est une métaphore du désir par la recherche de la vision dans le pleine lumière réelle. Mais, la réalité est que les yeux fermés voient le mieux, lorsqu’ils regardent vers l’intérieur, en dormant et dans l’obscurité. De là, au centre du poème, l’expression d’un désir de voir l’autre en pleine lumière : « How would thy shadow’s form form happy show To the clear day with thy much clearer light,” Cet état imaginaire agréable suscite le désir d'un au delà de cet état, vers le réel et non le songe. La musique tente de suivre cela, à l’obscurité et aux yeux fermés correspondent le souffle, les chuchotements et le texte dit, tandis que la lumière réelle tant désirée et inaccessible est traduite par une musique sans texte qui tente de se libérer du chant. On trouve l’endormissement et l’obscurité (souffle, chuchotements et texte dit) au début et à la fin du poème: When most I wink, then do mine eyes best see, For all the day they view things unrespected ; But when I sleep, in dreams they look on thee, And, darkly bright, are bright in dark directed ; When in dead night thy fair imperfect shade Through heavy sleep on sightless eyes doth stay ? All days are nights to see, till I see thee, And nights, bright days, when dreams do show thee me. Puis le désir de clarté et son mouvement (instrument et voix mélés) se trouvent, à nouveau symétriquement, dans les vers qui suivent : Then thou whose shadow shadows doth make bright, How would thy shadow’s form form happy show How would, I say, mine eyes be blessed made By looking on thee in the living day, Ils correspondent à un élargissement spectral et à une tentative de sortie du souffle par des sons plus précis donnant à entendre voix et instruments imbriqués et emmêlés. Puis le troisième état désiré mais non présent et non accessible correspondant aux deux vers centraux est une sorte de mélodie spectrale chantée dans la flûte et avec le violoncelle : How would thy shadow’s form form happy show To the clear day with thy much clearer light, Ce centre du poème est le plus lumineux : la musique est alors seule sans texte, seuls subsistent les accents toniques du texte. Ainsi à l'inverse d'une traduction qui ne garderait que le sens, j’ai tenté de mettre le sonnet en musique en ne gardant que la musique qu’il fait résonner en moi. La métaphore du désir par la pleine clarté réelle devenant celle de la pleine musique, une musique affranchie du sens du texte. Ainsi la forme de l’œuvre ne suit pas directement celle du sonnet.
Lettre à Bénédicte
Pièce pour voix et accordéon de concert
Création en décembre 2000 au Botanique (Bruxelles) par Emmanuel Comté et Els Crommen sur un poème d’Adonis
7 minutes
La Lettre à Bénédicte met en musique un poème d’Adonis extrait de ses Célébrations du vent et des arbres :
Nue
La brise part en promenade
La poussière a un corps
Qui ne danse qu’avec le vent
L’air est le seul amant
Qui dorme avec la flamme
Dans une même tunique
— musique qui nous vient d’arbres
joués par le vent
Le vent — parole confuse que chuchote
Le silence cosmique
L’arbre aime chanter des chants
Dont le vent ne se souvient pas
Le vent — expiration de l’espace
Lettre à Pascal Nottet
Pièce pour voix et violon
Création en juin 2000 au Théâtre Poème (Bruxelles) par Els Crommen sur un poème d’Etienne Leclerc
3 minutes
La Lettre à Pascal Nottet a été écrite en collaboration avec le poète Etienne Leclerq à partir du concept de la ritournelle.
Longtemps j’ai attendu avant d’apprendre ses mots,
Longtemps je les ai répétés avant de les chanter,
C’est vrai, j’ai attendu et maintenant je chante
Je ferme les yeux pour écouter en moi
Et jamais ne suis déçue
Le vent peut se lever, la terre peut tourner
Jamais ne suis déçue.